đŸš© Quand un petit chef se retrouve coincĂ© dans «un job Ă  la con»

Vous connaissez sans doute les petits chefs. Dans les entreprises, ce sont tous ceux qui gĂ©nĂšrent ou assignent des tĂąches Ă  d’autres. C’est ce que l’on appelle dans le jargon le « middle management » ou le management intermĂ©diaire.

Photo : Marten Newhall đŸš© Les petits chefs contraints Ă  « des jobs Ă  la con » par Sylvie Gendreau, le blog du Nouveau leadership

Photo : Marten Newhall đŸš© Les petits chefs contraints Ă  « des jobs Ă  la con » par Sylvie Gendreau, le blog du Nouveau leadership

Le malheur de certains cadres intermédiaire


Le petit n’a pas le choix que de superviser ceux qui n’ont, en fait, pas besoin d’ĂȘtre supervisĂ©s.

Cette catĂ©gorie d’emplois est tout particuliĂšrement menacĂ©e par la numĂ©risation sans cesse croissante des tĂąches et l’introduction dans les processus de management de l’intelligence artificielle. Mais ce n’est pas le propos d’aujourd’hui.

Dans son livre Bullshit Jobs, David Graeber nous informe qu’il arrive que les petits chefs aient des jobs à la con.

Les petits chefs exercent des jobs à la con qui se divisent en deux catégories :

đŸš© 1. Le petit chef qui assigne des tĂąches Ă  d’autres, tout en estimant que son intervention n’est pas requise puisque ses subalternes sont parfaitement capables de s’en sortir sans son intervention.

đŸš© 2. Le petit chef dont l’essentiel du boulot consiste Ă  gĂ©nĂ©rer des tĂąches Ă  la con qu’il confie Ă  d’autres.

Graeber souligne qu’il est trĂšs difficile de recueillir des tĂ©moignages de petits chefs. Il a tout de mĂȘme pu recueillir quelques tĂ©moignages. Voici deux exemples :

đŸš© 1. Ben occupe un job Ă  la con dans le management intermĂ©diaire. Il supervise dix personnes. Toutes sont parfaitement en mesure de s’acquitter de leurs tĂąches sans qu’on les supervise. Le rĂŽle de Ben consiste Ă  leur distribuer des tĂąches, alors que ces tĂąches pourraient tout aussi bien leur ĂȘtre confiĂ©es directement. De l’aveu mĂȘme de Ben, il consacre au moins 75 % de son temps Ă  rĂ©partir le travail, et Ă  vĂ©rifier que les tĂąches ont Ă©tĂ© accomplies directement. Lorsque Ben essaie en douce d’abattre lui-mĂȘme un peu de boulot concret, il est rĂ©primandĂ© par ses supĂ©rieurs. La candeur du tĂ©moignage de Ben s’explique sans doute par le fait qu’il n’occupe ce poste que depuis quelques mois. Un cadre intermĂ©diaire aguerri se rabattra sur des indicateurs de productivitĂ© que ses subalternes rempliront (et maquilleront au besoin), et qui viendront confirmer la productivitĂ© de son Ă©quipe qui, rappelons-le, fonctionne en mode autonome sans qu’il n’ait besoin d’intervenir.

2. Chloé fait partie des petits chefs qui créent des jobs à la con pour les autres. Elle est vice-chanceliÚre (doyenne) dans une grande université britannique. Sa mission consiste à proposer un « leadership stratégique ». En pratique, elle propose des méthodes chiffrées pour mesurer la performance des professeurs.

Ces mĂ©thodes, de plus en plus Ă©laborĂ©es et complexes, donnent lieu Ă  des situations parfois ubuesques : un professeur en arrive Ă  passer plus de temps Ă  Ă©valuer et Ă  justifier ses activitĂ©s, qu’à exĂ©cuter les tĂąches pour lesquels il est payĂ©.

ChloĂ© n’y va pas de main morte. Elle incrimine sa propre fonction en reconnaissant qu’il s’agit d’un job Ă  la con, mais Ă©corche au passage tous les vice-chanceliers et autres postes universitaires que l’on qualifie de stratĂ©giques mais qui sont en rĂ©alitĂ© totalement dĂ©pourvus de pouvoir exĂ©cutif.

Les rares postes qui détiennent un véritable pouvoir, et il y en a trÚs peu, sont ceux qui contrÎlent les cordons de la bourse. Seuls les postes exécutifs peuvent influer sur les activités des départements et leurs orientations.

ChloĂ© rĂ©sume cela ainsi : « Je ne siĂ©geais pas au conseil de direction de l’universitĂ©, je ne participais pas aux dĂ©bats sur les objectifs, la stratĂ©gie gĂ©nĂ©rale, les mesures de performance, les audits, etc. Je n’avais pas de budget, pas d’autoritĂ© sur les locaux, l’emploi du temps ni aucun autre problĂšme concret. La seule chose que je pouvais faire, c’était proposer une stratĂ©gie qui, en rĂ©alitĂ©, n’était qu’une resucĂ©e de stratĂ©gies antĂ©rieures dĂ©jĂ  votĂ©es. »

L’idĂ©ologie managĂ©rialiste telle que la qualifie ChloĂ©, est Ă  l’Ɠuvre partout dans les grandes organisations et contribue Ă  la crĂ©ation de jobs Ă  la con. Au fur et Ă  mesure qu’elle s’incruste, des pans de plus en plus vastes du personnel sont assignĂ©s Ă  une seule et unique fonction : jongler avec la myriade de joujoux qu’elle s’invente (audits, rapports, Ă©valuations, stratĂ©gies), le tout totalement dĂ©connectĂ© de ce qui est la mission premiĂšre de l’universitĂ© : l’enseignement.

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Références :

Graeber, David. Bullshit jobs. Les liens qui libĂšrent, 2018.

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