Le grand pari de la nouvelle mairesse de Montréal, Soraya Martinez Ferrada

À Montréal, une femme vient de remporter une élection en proposant ce que les électeurs réclament désormais : non pas l'abandon de la transformation, mais sa réconciliation avec la gestion quotidienne. Ce n'est pas seulement un virage politique local — c'est le symptôme d'une fatigue globale face aux grands récits de transformation déconnectés de l'exécution.

 
 
Esquisse artistique de Soraya Martinez Ferrada, première mairesse issue de l'immigration à Montréal

Esquisse artistique de Soraya Martinez Ferrada, première mairesse issue de l'immigration à Montréal, créée par Pierre Guité et Midjourney

Après la vision, l’exécution !

Promesse d'un pragmatisme transformateur

Le 2 novembre 2025, Soraya Martinez Ferrada est devenue mairesse en incarnant une nouvelle forme de leadership réclamée par la plupart : un pragmatisme managérial pour réaliser une vision.

Une synthèse que sa prédécesseure n'avait pas su réaliser : la vision sans exécution adéquate peut créer plus de désordre que de transformation positive ; la compétence opérationnelle, elle, a le mérite d'améliorer le quotidien des citoyens et de les aider à mieux accepter, dans la durée, les transformations.

Son slogan ? Écouter et agir.

Face à elle : huit ans d'administration Plante, axée sur la transition écologique et la mobilité active, mais dont le bilan opérationnel s'est effondré sous l'œil implacable de la Vérificatrice générale.

Cette élection révèle un profond réalignement politique. Ce qui est rejeté n'est pas la transformation en soi, mais une forme spécifique de gouvernance : une demande urgente de gestion de base — celle qui se concentre sur les services quotidiens et sur la compétence managériale.

Ce basculement n'est pas propre à Montréal. Il s'inscrit dans une triple fatigue documentée à travers l'Occident :

🔴 Une fatigue sociologique : l'effondrement du récit du progrès comme moteur de l'action politique. La démocratie moderne s'est longtemps appuyée sur l'idée que l'histoire progresse et que l'action politique en est le moteur. Ce récit est aujourd'hui brisé. Les crises écologiques, les inégalités croissantes et les désastres politiques ont nourri une méfiance profonde envers les institutions et la multiplication de micro-récits fragmentés — des Gilets jaunes à QAnon — qui comblent le vide laissé par les grands projets collectifs.

🔴 Une fatigue matérielle : la tyrannie du présent. Les électeurs vivent sous une pression économique aiguë : inflation à son plus haut niveau depuis quarante ans dans l'OCDE, crise du logement abordable, coût de la vie devenu la préoccupation numéro un en Europe et en Amérique du Nord. Dans ce contexte, les grands récits de transformation — dont la transition écologique est l'incarnation la plus coûteuse — sont perçus comme un luxe politique inabordable. Les citoyens ne rejettent pas l'avenir ; ils ne peuvent tout simplement plus se permettre de le financer alors que le présent s'effondre.

🔴 Une fatigue politique : le greenlash, ce contrecoup des politiques environnementales, en est la manifestation électorale la plus visible. Dans certains cas, ce n'est pas du climato-scepticisme, mais le rejet des coûts, de l'injustice sociale perçue et de la déconnexion des élites. Depuis 2023, ce phénomène a bouleversé les élections en Allemagne (effondrement des Verts), aux Pays-Bas (victoire du parti agricole BBB) et a freiné l'élan du Pacte vert européen.

L'élection de Ferrada n'est donc pas un hasard. C'est le geste politique logique d'un électorat épuisé par les coûts d'un avenir abstrait et qui exige un retour à la gestion compétente du présent. Mais cette analyse, si elle est exacte, demeure incomplète : car la fatigue n'est pas un état final — elle est un signal d'échec de la conception politique, une demande de changement de méthode, pas d'abandon de la mission.

La trajectoire improbable

Une double légitimité

De l'exil à l'Hôtel de Ville

Née au Chili et arrivée enfant à Montréal pour fuir la dictature de Pinochet, elle a une histoire personnelle qui lui confère une crédibilité indéniable sur les enjeux de l'immigration et de l'intégration. En 2025, elle devient la première personne issue de l'immigration à accéder à la mairie de Montréal, un jalon historique en soi.

Un détail biographique qui prend tout son sens dans une ville où 34 % de la population est née à l'étranger, un puissant symbole dans une métropole confrontée à une pression migratoire sans précédent : 40% des demandeurs d'asile présents au Canada se trouvent au Québec, principalement à Montréal.

Connaissance du terrain municipal

Contrairement à d'autres figures politiques, Ferrada connaît la machine municipale de l'intérieur. Son premier mandat électif a été celui de conseillère municipale, de 2005 à 2009. Elle comprend les dynamiques d'arrondissement, les rouages administratifs, les frictions entre les services. Cette expérience la distingue : elle ne découvre pas le municipal en devenant mairesse.

Ligne directe à Ottawa

C'est pourtant son parcours fédéral qui constitue son atout maître — et qui rend son choix si audacieux. Députée fédérale d'Hochelaga, elle devient ministre du Tourisme et ministre responsable du développement économique régional (DEC) pour le Québec au sein du cabinet fédéral. C'est un poste stratégique, stable et influent.

Quitter ce poste ministériel pour se lancer dans la course à la mairie d'une ville en crise est un pari risqué. Pourquoi le faire ? Sa promesse électorale, implicite et explicite, tient en une phrase : « Je sais comment aller chercher l'argent à Ottawa. »

Elle arrive à la mairie avec un carnet d'adresses fédéral, une compréhension intime des leviers de financement (la Société canadienne d'hypothèques et de logement, les programmes d'infrastructures, les fonds de développement économique) et une crédibilité que ses prédécesseurs n'avaient pas. Avant même son élection en tant que ministre, elle annonçait un investissement fédéral de 10 millions de dollars en logements à Montréal, aux côtés du ministre fédéral du Logement et de la mairesse Plante.

Le contexte hérité :
Une ville en crise de gestion

Les chiffres qui comptent

Montréal, c'est 2,2 millions d'habitants dans la ville, 4,4 millions dans la région métropolitaine. Son budget de fonctionnement pour 2025 s'élève à 7,28 milliards de dollars. Comparé à Toronto (18,8 G$ pour 6,5 millions d'habitants) ou même à Vancouver (2,34 G$ pour 2,7 millions), Montréal opère avec des ressources limitées face à des pressions démographiques intenses.

La croissance démographique atteint 3,1 %, principalement alimentée par l'immigration. Mais cette croissance ne se traduit pas par une expansion économique : l'emploi stagne. Résultat : une ville qui doit offrir plus de services (logement, transport, soutien à l'intégration) avec une base fiscale qui ne suit pas. Montréal accueille 40% des demandeurs d'asile présents au Canada, une pression sans équivalent dans les autres grandes villes du pays.

Le rapport accablant (août 2025)

Le 26 août 2025, trois mois avant l'élection, la Vérificatrice générale de Montréal dépose son Rapport annuel 2024. Ce document de 200 pages devient instantanément la pièce à conviction centrale de la campagne électorale. Alors que l'administration Plante mettait de l'avant sa vision stratégique — les grands plans 2050, le Règlement pour une métropole mixte (dit 20-20-20, qui impose aux promoteurs qu'au moins 20% des unités soient abordables, 20% familiales et 20% sociales), le Plan climat — la Vérificatrice documentait méthodiquement l'effondrement de la gestion quotidienne.

Trois constats accablants :

1. La sécurité des pompiers compromise

L'audit sur la gestion des équipements de protection individuelle (ÉPI) du Service de sécurité incendie révèle que la Ville « ne gère pas avec efficacité et efficience » ces équipements essentiels. Des lacunes sont identifiées dans l'inventaire, l'entretien, la conformité, la formation et la traçabilité. La conclusion est sans appel : « Ces défaillances augmentent les risques pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique des pompières et pompiers. »

2. Les infrastructures délabrées

Le rapport confirme ce que les Montréalais vivaient au quotidien : près de 40% des rues locales et 30% des artères sont en « mauvais » ou « très mauvais » état. La Vérificatrice note des « travaux insuffisants », un entretien « inefficace » et surtout un « manque de coordination » — cette absence de synchronisation qui transforme la ville en chantier permanent, où l'on refait les pistes cyclables pendant que l'on défonce les rues pour réparer les égouts.

3. La gouvernance défaillante

Au-delà des échecs sectoriels, la Vérificatrice identifie un problème structurel : la Ville souffre d'une « forte décentralisation » qui « rend l'imputabilité difficile à établir ». Elle critique la « complexité et le cloisonnement des structures organisationnelles ». En clair : personne ne coordonne, personne n'est vraiment responsable, et les arrondissements fonctionnent en silos étanches.

Le décalage fatal : vision contre exécution

L'administration Plante pouvait revendiquer ses réalisations stratégiques : l'adoption du Plan d'urbanisme et de mobilité 2050, la création du Service de l'habitation, ainsi que le premier droit de préemption municipal au Canada. Tout cela est réel.

Mais la Vérificatrice avait documenté l'autre réalité : celle vécue par les pompiers inquiets pour leur sécurité, celle des automobilistes bloqués dans des chantiers sans fin, celle des citoyens qui ne voyaient plus leur rue entretenue.

L'élection de novembre 2025 ne s'est pas jouée sur la vision à long terme. Elle s'est jouée sur la compétence de gestion quotidienne. Et sur ce terrain, le rapport de la Vérificatrice générale a donné le verdict, trois mois avant le vote.

La fatigue globale
Montréal dans le monde

Le greenlash : anatomie d'un rejet

Montréal n'est pas une anomalie. Depuis 2023, un phénomène traverse l'ensemble des démocraties occidentales : le greenlash — ce contrecoup violent des politiques de transformation écologique.

Il est crucial de comprendre que ce phénomène n'est pas un retour au climatoscepticisme des années 1990 qui niait l'existence du problème. Le greenlash contemporain accepte la réalité du changement climatique mais rejette violemment les coûts, l'injustice sociale perçue et la déconnexion des élites qui proposent ces solutions.

C'est un phénomène hybride. Il émerge de préoccupations citoyennes authentiques — comme la révolte des Gilets jaunes en France contre les taxes carbone — et est immédiatement capturé et amplifié par des partis politiques, souvent populistes ou d'extrême droite, qui transforment l'opposition à l'idéologie verte en une arme de guerre culturelle.

Les résultats électoraux récents fournissent une carte indéniable de ce phénomène.

Allemagne (février 2025) : Les élections fédérales anticipées ont sanctionné la coalition « feu tricolore » d'Olaf Scholz. Les Verts, principaux moteurs de la transformation grâce à une loi controversée sur le chauffage, se sont effondrés en perdant 33 sièges. Le SPD de Scholz a connu son pire résultat depuis 1887. Le grand gagnant ? L'AfD (extrême droite), qui a mené une campagne greenlash explicite et a presque doublé son score pour devenir la deuxième force politique du pays avec 152 sièges. La politique climatique a été reléguée au second plan au profit de l'économie et de l'immigration.

Pays-Bas (mars 2023) : Aux élections provinciales, un parti entièrement nouveau, le Mouvement agriculteur-citoyen (BBB), a remporté 19% des voix et est devenu le plus grand parti au Sénat. Sa plateforme était exclusivement dédiée à l'opposition aux politiques environnementales liées à l'azote. Ce fut une révolte électorale pure contre une transformation jugée déconnectée et punitive.

Parlement européen (juin 2024) : À l'échelle continentale, le mandat de transformation a été sévèrement affaibli. Le groupe des Verts, grand gagnant de 2019, a perdu de nombreux sièges. Le Pacte Vert européen, totem de la mandature précédente, est désormais sur la défensive. Le Parti populaire européen (centre-droit), bien que pro-européen, a gagné des sièges en absorbant le message greenlash, faisant campagne sur une pause réglementaire.

France (anticipé 2026) : La vague verte des élections municipales de 2020 est en passe de rencontrer un backlash écologique. Le point de friction : les zones à faibles émissions (ZFE). Pour une partie de la population, leur mise en œuvre en pleine crise du coût de la vie est perçue comme une mesure d'exclusion sociale, une politique punitive qui frappe les ménages modestes incapables de changer de véhicule.

Londres / Royaume-Uni : L'expansion de l'Ultra Low Emission Zone (ULEZ) est devenue un enjeu politique national. L'imposition de cette taxe pendant une crise aiguë du coût de la vie a alimenté le narratif de la guerre aux automobilistes et mis en lumière le fardeau disproportionné imposé aux conducteurs à faible revenu. Bien que le maire Sadiq Khan ait été réélu, la toxicité politique du débat démontre la puissance du greenlash.

La tyrannie du présent

Pourquoi ce rejet massif ? Parce que les électeurs vivent sous ce qu'on pourrait appeler la tyrannie du présent : une pression économique qui rend impossible toute projection vers l'avenir.

Les données sont implacables :

  • L'inflation a atteint son niveau le plus élevé depuis quarante ans dans la plupart des pays de l'OCDE.

  • Le coût de la vie est devenu la préoccupation numéro un des citoyens européens depuis 2023.

  • La crise du logement abordable frappe simultanément Paris, Londres, Toronto, Vancouver et Montréal

Dans ce contexte, les grands récits de transformation — dont la transition écologique, l'incarnation la plus coûteuse et la plus visible — sont perçus comme un luxe politique inabordable.

Le calcul rationnel de l'électeur

L'électorat n'est pas irrationnel. Il maintient des positions apparemment contradictoires : un sondage de mars 2024 révèle que 52% des Européens considèrent toujours la lutte contre le changement climatique comme une priorité. Simultanément, ce même électorat place le coût de la vie au premier rang de ses préoccupations.

Les citoyens ne rejettent pas l'objectif d'un climat stable. Ils rejettent la manière dont les politiques sont conçues et mises en œuvre. Ils rejettent une transformation perçue comme un fardeau idéologique imposé d'en haut, déconnectée de leurs réalités économiques immédiates.

Le greenlash n'est pas un rejet de l'avenir. C'est un calcul économique rationnel de la part d'électeurs qui ne peuvent plus payer, au sens propre comme au figuré, pour des objectifs fixés à 2050 alors qu'ils sont en défaut de paiement sur leurs besoins fondamentaux en 2025.

L'élection de Ferrada à Montréal s'inscrit précisément dans cette dynamique globale : un électorat qui exige que l'on répare le présent avant de transformer l'avenir.

Leadership,
un pragmatisme économique

Gestionnaire, pas visionnaire : un positionnement délibéré !

Là où Valérie Plante gouvernait avec une vision — la transition écologique, le quart d'heure (un concept d'urbanisme où tous les services essentiels — commerces, écoles, parcs, services de santé — sont accessibles à 15 minutes à pied ou à vélo du domicile), le Plan climat 2050 — Soraya Martinez Ferrada se positionne délibérément comme une gestionnaire. Son discours de campagne a été axé sur l'efficacité, la livraison de services et le développement. Elle ne promet pas de transformer Montréal ; elle promet de débloquer Montréal.

Cette posture n'est pas un repli idéologique. C'est un positionnement stratégique qui répond à une fracture identifiée par la Vérificatrice générale : l'administration précédente excellait dans la vision stratégique (plans à long terme, grands projets), mais échouait dans l'exécution quotidienne (entretien des rues, coordination des chantiers, gestion des services de base).

La « mairesse de l'Est » : un test personnel

Élue députée d'Hochelaga, un quartier de l'Est de Montréal marqué par les crises du logement, de la cohabitation sociale et de la pauvreté, Ferrada connaît intimement les réalités du terrain. Elle est attendue de pied ferme sur le dossier de revitalisation de l'Est — notamment sur le projet de transport structurant dans l'Est de la ville. C'est pour elle un test à la fois politique et personnel : pourra-t-elle tenir ses promesses envers son quartier d'origine ?

La coalition fragile : Milieux d'affaires et sensibilité sociale

Ferrada se positionne en rassembleuse. Elle a réussi à rallier les milieux d'affaires, souvent irrités par les politiques de Projet Montréal, tout en conservant une sensibilité sociale héritée de son parcours et de son ancrage dans l'Est. Cette coalition entre les intérêts économiques du centre-ville et les besoins sociaux des arrondissements périphériques sera difficile à maintenir. Son défi : prouver qu'on peut être pro-développement sans sacrifier la justice sociale.

Les Défis Majeurs

Son état de grâce sera court. Elle hérite d'une ville aux prises avec des crises structurelles et ses promesses sont immenses.

Défi 1

La crise du logement (La promesse phare)

  • Le diagnostic : L'administration précédente a été critiquée pour la lenteur de la construction et l'inefficacité perçue de son Règlement pour une métropole mixte (le "20-20-20").

  • Son plan : Mme Ferrada a promis de remplacer ce règlement par des incitations financières pour accélérer la construction. Elle a ciblé des secteurs à développer (Namur-Hippodrome, Lachine-Est).

  • Le défi : Elle doit livrer des mises en chantier rapidement. Elle sera entièrement tenue responsable d'utiliser ses leviers fédéraux (via la SCHL) pour financer le logement social et abordable, un dossier en panne sèche.

Défi 2
La Crise des Finances Publiques

  • Le diagnostic : Montréal est étranglée financièrement. L'inflation a fait exploser les coûts, la STM est en crise, et la dépendance aux taxes foncières est intenable.

  • Son plan : Sa "ligne directe" avec Ottawa et sa bonne entente présumée avec Québec sont sa principale solution.

  • Le défi : Elle doit obtenir un nouveau pacte fiscal. Elle ne peut plus blâmer les autres paliers de gouvernement comme le faisait sa prédécesseure ; elle est ces autres paliers. Elle devra obtenir des résultats tangibles dès son premier budget.

Défi 3
Mobilité et Cohabitation

  • Le diagnostic : La grogne du "tout-auto" face à la multiplication des pistes cyclables et des chantiers a été un facteur clé de l'élection.

  • Son plan : Elle a promis un audit des pistes cyclables (pour "conserver" les bonnes et "supprimer" celles qui posent problème) et une meilleure coordination des chantiers.

  • Le défi : L'équilibre. Elle doit rassurer les automobilistes sans démanteler les acquis en mobilité active, et surtout, elle doit relancer le projet de transport dans l'Est.

Défi 4
Sécurité et Cohabitation Sociale

  • Le diagnostic : L'enjeu de l'itinérance, de la consommation de drogues à ciel ouvert et du sentiment d'insécurité dans des quartiers centraux ont miné la confiance du public.

  • Son plan : En tant qu'élue d'Hochelaga, elle reconnaît l'importance des ressources communautaires, mais elle sera aussi amenée à adopter une ligne plus ferme sur la sécurité publique et la présence policière.

  • Le défi : trouver une réponse à la fois humaine (pour la crise de l'itinérance) et sécurisante (pour les résidents et les commerçants), sans déclencher une guerre idéologique.

Le programme Ferrada
100 jours pour redresser Montréal

Son plan d'action répond point par point au rapport de la Vérificatrice :

1. Gouvernance : Créer la « Table des maires » (contre le cloisonnement identifié par la VG).

2. Chantiers : « Produire un inventaire des chantiers » (contre le manque de coordination documenté).

3. Optimisation : IA pour couper dans le gras de la bureaucratie (contre l'inefficacité de gestion).

4. Itinérance :

  • Tripler le budget (de 9,5 M$ à ~30 M$)

  • Créer un Groupe d'intervention tactique (GITI)

  • Le problème d'échelle : Toronto dépense 898,8 M$ pour un problème 3 fois plus grand que celui de Montréal. L'augmentation proposée, bien que symboliquement forte, est dramatiquement sous-dimensionnée.

5. Logement — Le virage idéologique :

  • Abroger le "Règlement 20-20-20" (obligation de mixité sociale).

  • Le remplacer par des incitatifs financiers.

  • Le débat universel : Réglementation vs marché. Boston, Toronto, Montréal testent des approches différentes. L'administration Plante a testé la réglementation. Ferrada va tester les incitatifs.

L'atout fédéral : Sa vraie force

Son parcours de ministre fédérale n'est pas anecdotique — c'est son capital politique principal.

Elle arrive avec :

  • Un carnet d'adresses à Ottawa

  • Une compréhension des leviers fédéraux (SCHL, financement infrastructures)

  • Une crédibilité pour négocier

Son principal espoir de succès face aux crises structurelles (itinérance, logement) dépend de sa capacité à négocier un 'New Deal' fiscal avec Québec et Ottawa afin d'aligner l'échelle des ressources sur celle des problèmes."

Elle ne peut pas résoudre ces crises avec les seuls leviers municipaux. Elle devra prouver que sa ligne directe Ottawa n'était pas qu'un slogan.

Le paradoxe

Si les grands récits nationaux s'effondrent, la transformation réussit au niveau municipal.

Le réseau C40 Cities dont Montréal fait partie est la force motrice des solutions climatiques concrètes :

  • 300 km de pistes cyclables à Paris

  • Qualité de l'air améliorée à Londres (grâce à l'ULEZ controversée)

  • Bus électriques, programmes solaires dans des dizaines de villes

Le paradoxe de Montréal, c’est que l’échec de Plante n’est peut-être pas un échec de transformation, mais un échec à lier la vision aux bénéfices pragmatiques immédiats.

D'autres villes se transforment en parlant d'économies sur les factures d'électricité, de création d'emplois, de bien-vivre — pas de température mondiale en 2050.

Deux leaders face à un grand défi d’exécution

Soraya Martinez Ferrada à Montréal. Claudine Bouchard à Hydro-Québec.

Deux femmes nommées presque au même moment. Deux mandats d'exécution. Pas de vision grandiose — juste exécuter à la perfection.

Est-ce une tendance ? Un retour du leadership opérationnel après l'ère des leaders dits visionnaires ?

Ou reflète-t-il simplement l'époque : un moment où les institutions complexes (une ville, un géant énergétique) ont besoin d’efficacité plutôt que de grands discours ?

Le test des 18 mois

Dans 18 mois, on saura si Ferrada a réussi son pari.

Les tests mesurables :

  • Les rues seront-elles mieux entretenues ?

  • Les chantiers seront-ils mieux coordonnés ?

  • Aura-t-elle obtenu de l'argent d'Ottawa ?

  • L'itinérance aura-t-elle diminué ?

  • La circulation sera-t-elle plus fluide ?

La vraie question :
Peut-on encore transformer en 2025 ?

L'analyse suggère que oui — mais à condition d'abandonner le grand récit au profit d'une transformation-gestion. Promouvoir des économies qui se développent, des villes propres, des logements à prix accessibles, des services qui fonctionnent.

Ferrada incarne peut-être moins un nouveau leadership qu'un vieux savoir-faire : celui de la compétence opérationnelle, cette qualité moins éclatante mais essentielle qui consiste à faire fonctionner une ville.

Si elle réussit, elle aura prouvé qu'on peut encore transformer — à condition de continuer à rêver, sans oublier l’essentiel : gérer efficacement.


Pour aller plus loin :

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Références :

Ensemble Montréal. (16 octobre 2025). Soraya Martinez Ferrada dévoile Écouter & Agir, le slogan de campagne.  
Wikipedia. Soraya Martinez Ferrada (Page retraçant son élection le 2 novembre 2025).  
Wikipedia. Élections municipales de 2025 à Montréal.  
Open Diplomacy. Polycrise, crise politique : récit et promesse.
La Grande Conversation. Vie et mort des grands récits politiques.
OCDE. Inflation and cost-of-living.
ECFR. Power to the people: How the EU's energy transition can help fight the 'greenlash'.
Stockholm Environment Institute (SEI), Countering global 'greenlash', septembre 2025  
Safia.gr. The rise of 'Greenlash': How much is climate policy at risk?  
Carnegie Endowment. Climate Backlash in Europe: The Green Transition and Farmers’ Protests, septembre 2025  
Allemagne (Fév. 2025) : Wikipedia. Élections fédérales allemandes de 2025.
IFRI. (Mars 2025). L'Allemagne après les élections anticipées de 2025.
Pays-Bas (Mars 2023) : Perspective (Université de Sherbrooke, Novembre 2023. Élections provinciales et sénatoriales aux Pays-Bas.
Parlement Européen (Juin 2024) :
Perspective (Université de Sherbrooke). Le Parti vert européen : 40 ans d'histoire et un recul anticipé.
Parlement Européen (Analyse) : Fondation Jean-Jaurès, Juin 2024. Élections européennes : quel avenir pour la transition écologique en Europe?
France (ZFE) : La Grande Conversation. Zones à faibles émissions : un risque d'exclusion sociale dans les villes?  
Londres (ULEZ) : Redfield & Wilton Strategies. Opposition to ULEZ has grown in London, but plurality still support the scheme.  
Ministère de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie, avril 2025. Occupation du territoire - Montréal.  
Macrotrends. Montreal, Canada Metro Area Population 1950-2025.
Institut de la statistique du Québec. PDF publié en 2025. Coup d'œil sur Montréal - 2025.
Institut de la statistique du Québec. Février 2024. Bilan démographique du Québec en 2024.
Ville de Montréal. Budget 2025 et PDI 2025-2034 de Montréal.
Newswire.ca, 22 septembre 2025. L'administration Plante dépose son bilan 2017-2025.
Bureau de la Vérificatrice Générale de Montréal, 26 août 2025. Rapport annuel 2024 de la vérificatrice générale.
Newswire.ca, Association des scientifiques et ingénieurs de Montréal, 26 août 2025. Rapport de la vérificatrice générale : des conclusions accablantes.
YouTube, Noovo Info, août 2025. Rapport de la VG : rues mal entretenues à Montréal.
Ensemble Montréal. 16 octobre 2025. Dévoilement de la plateforme électorale 2025.
QUB Radio, octobre 2025). Trois fois plus d'argent pour l'itinérance : Ensemble Montréal dévoile sa plateforme.
Ville de Toronto, mai 2025. 2025 City of Toronto Budget Summary.  
Macrotrends. Toronto, Canada Metro Area Population 1950-2025.
Ville de Toronto, avril 2025. 2025 Public Book - Toronto Shelter and Support Services (TSSS).
Ville de Vancouver. 2025 Budget Highlights.
Macrotrends. Vancouver, Canada Metro Area Population 1950-2025.
C40 Cities. Cities are shaping the future of global climate action.


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