L’art de diriger sans s’épuiser : ce que Sun Tzu peut nous apprendre
Dans un monde saturé de tensions, d’alertes et d’instabilités, faut-il durcir sa posture ou apprendre à jouer autrement ? Inspiré par Sun Tzu, cet article propose une autre voie : celle d’un leadership stratégique, calme et lucide, capable de résister sans s’épuiser et d’influencer sans fracas.
L’art de diriger sans s’épuiser : ce que Sun Tzu peut nous apprendre par Sylvie Gendreau, le blog du Nouveau Leaderhip. Illustration Pierre Guité & Mid-Journey - Portrait d’une dirigeante au regard déterminé, entourée de son équipe.
Quand le monde devient imprévisible, le leadership doit devenir plus stratégique, plus calme, plus ancré.
Reprendre son souffle face au chaos
Derrière les rideaux épais des actualités internationales – tensions géopolitiques, menaces de nouvelles guerres commerciales, marchés nerveux – une fatigue collective s’installe. Beaucoup de dirigeants, de fondateurs, de décideurs se sentent pris dans une tempête de bruit, de chocs, d’urgences. À force de s’adapter, de pivoter, de rester “résilients”, ils s’épuisent.
Et pourtant, c’est précisément dans ces périodes de tensions diffuses qu’un autre type de leadership devient possible : un leadership fondé sur la stratégie, le calme intérieur, et le choix juste du moment d’agir.
C’est là que revient à nous un vieux maître oublié : Sun Tzu.
Le pouvoir est partout – même quand on prétend l’éviter
Dans Les 48 lois du pouvoir, Robert Greene écrit :
« Même le refus du pouvoir est une forme de pouvoir. »
De la même façon, ignorer les rapports de force actuels – qu’ils soient politiques, économiques ou symboliques – ne les fait pas disparaître. Cela revient simplement à en subir les conséquences sans les comprendre.
La guerre aujourd’hui ne prend pas toujours la forme d’une armée. Elle s’exerce dans des négociations commerciales, dans les rapports Nord-Sud, dans les tensions technologiques, dans la maîtrise des données, dans la manipulation de la perception.
Dans ce contexte, la passivité est un luxe que peu peuvent se permettre.
Sun Tzu ou l’art de ne pas s’agiter pour rien
Ce que nous enseigne L’Art de la guerre, ce n’est pas de combattre. C’est de choisir avec sagesse où, quand et comment intervenir. Et surtout : quand ne pas le faire.
Voici quelques principes à méditer :
Éviter le conflit frontal — Le détour stratégique est souvent plus efficace que l’affrontement. Dans l’entreprise : sortir d’une guerre de prix, refuser le mimétisme, créer son propre terrain.
Connaître son environnement — Se connaître soi-même est déjà une force. Connaître ses concurrents, ses partenaires, ses collaborateurs, son écosystème — voilà ce qui permet d’agir avant qu’il ne soit trop tard.
Faire de l’information une arme douce — Qui sait anticiper, surprendre, saisir les failles de l’ennemi, détient un avantage crucial. Dans l’entreprise, cela correspond à une veille technologique ou économique efficace, une intelligence collective et la sensibilité pour détecter les signaux faibles.
Savoir s’adapter en souplesse — Sun Tzu prônait la rapidité de décision et l’aptitude à modifier sa stratégie en fonction du terrain.
Réussir sans livrer de batailles interminables : L’idéal est de désamorcer les conflits ou de frapper là où l’adversaire est vulnérable, de manière à l’emporter rapidement. De longs conflits dégénèrent.
Diriger aujourd’hui, c’est résister intelligemment
Face à la polarisation du monde, certains cèdent au cynisme ou à l’agitation. Mais il existe une autre voie : celle de la stratégie sereine, que nous pouvons cultiver même au cœur du tumulte.
Dans un monde saturé de récits simplistes, les leaders qui veulent construire une paix durable doivent eux aussi raconter, convaincre, mobiliser – mais sans assourdir.
Prenons quelques exemples :
Une PME européenne a contourné une guerre de prix avec un géant en se positionnant sur un segment de marché invisible aux radars classiques. Elle n’a pas riposté, elle a changé de terrain.
Une entreprise technologique confrontée à une attaque informationnelle a mobilisé ses partenaires pour renforcer son capital confiance — sans contre-attaque, mais avec une communication élégante, ouverte, incarnée.
Ces choix demandent du courage et de l’audace. Et surtout : une vision.
Ce que les grands stratèges savent (et que les autres oublient)
🔴 Le rapport de force existe toujours.
Même si on ne l’aime pas. Savoir lire les lignes de tension, c’est déjà commencer à reprendre le contrôle.
🔴 La surprise est un art.
Sun Tzu le savait : l’effet de surprise, l’agilité, la maîtrise du rythme sont des armes de long terme. L’innovation n’est pas un sprint : c’est une danse avec le monde.
🔴 Les alliances sont vitales.
L’union fait la force n’est pas une formule vide : dans un contexte d’instabilité, les coalitions (entreprises, équipes, secteurs) sont des remparts puissants. La cohésion d’une équipe, la lucidité d’un board, l’écoute mutuelle sont des leviers stratégiques souvent trop sous-estimés.
🔴 La clarté est une arme secrète.
Une stratégie confuse épuise. Une stratégie claire rassure, mobilise, éclaire.
L’intelligence stratégique comme art de vivre
Sun Tzu n’est pas un maître de la guerre. Il est un maître de la clarté. Il nous apprend que la victoire durable est celle qui préserve les forces, qui limite les dégâts, qui voit venir.
Dans une époque où tout le monde réagit, s’indigne, se crispe…
Le leader éclairé, lui, prend un temps de recul. Il discerne, il observe, il décide quand le moment est juste.
Pas pour fuir. Mais pour durer.
Une stratégie lucide n’est pas une stratégie molle. L’erreur serait de confondre calme et inertie. Dans certains cas, ne pas agir revient à laisser le champ libre à ceux qui, eux, n’ont pas renoncé au rapport de force.
Et si, dans certains cas, la stratégie du détour devait s’accompagner d’un récit fort ?
Une ligne claire. Un positionnement visible. Non pour dominer, mais pour mobiliser avec sincérité.
🔍 À retenir
Dans un monde où le désordre s’impose par le bruit, la clarté stratégique devient une forme d’élégance.
Diriger sans s’épuiser, c’est faire preuve de discernement, cultiver l’écoute, et bâtir des alliances qui ont du sens.
À vous de jouer !
Prenez un moment cette semaine pour observer silencieusement :
Quel rapport de force vous entoure sans être nommé ?
Où pourriez-vous changer de terrain, plutôt que de riposter ?
Quelle histoire pourriez-vous raconter… qui mobilise sans diviser ?
Et si diriger aujourd’hui, c’était avant tout choisir son tempo, et tenir bon sur l’essentiel ?
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Références
Bevin Alexander, Sun Tzu ou l’art de gagner des batailles.
Robert Greene, The 48 Laws of Power.
Podcast Signes des temps
Source : Émission de Marc Weitzmann sur France Culture, épisode: La loi du plus fort
Podcast : Signes des temps sur Apple Podcasts
– France Culture
L’histoire inspirante de Marie-Madeleine Fourcade, leader du réseau de résistance Alliance durant la Seconde Guerre mondiale. Son courage, sa vision, et son leadership exemplaire nous enseignent des leçons précieuses sur la capacité à mobiliser et inspirer en période de crise.