Peut-on mathématiser l’histoire ?

NB 👉 Ce billet est écrit comme la base d’un jeu futurible pour stimuler votre créativité…. si vous aviez à imaginer l’avenir, quelles seraient vos pronostics ?


Que dirait Clio, la muse de l’histoire, face aux périodes de bouleversement que traversent nos sociétés. Elle, qui a l’habitude de glorifier le passé, celle qui tient en main une trompette pour chanter la renommée des héros, qui retiendrait-elle, et quels faits choisirait-elle de relater dans son grand livre ?

Peut-on mathématiser l’histoire ? par Sylvie Gendreau

Peut-on mathématiser l’histoire ? par Sylvie Gendreau

Il se peut qu’en ce moment même, Clio craigne pour sa survie. Car elle risque de se voir dépossédée de ses dons. En effet, une discipline nouvelle a, depuis quelques années déjà, fait son entrée dans le monde des sciences sociales : la cliodynamique, un domaine de recherche dont l’objectif est de décoder la dynamique de l’histoire par le biais de modèles mathématiques.

La cliodynamique a été mise au point par Peter Turchin, un chercheur américain, professeur à l’université du Connecticut.

Ses modèles sont des modèles prévisionnels qui puisent leur force dans l’analyse d’un très grand nombre de données historiques échelonnées sur de très longues périodes de temps. Leur mérite tient précisément à leur capacité de prévoir, dans leurs grandes lignes, ce dont sera fait l’avenir des sociétés humaines. En 2010, Turchin avait déjà prévu les bouleversements que nous connaissons actuellement.

Il avait prédit que 2020 serait une année charnière, et qu’elle inaugurerait un « âge de la discorde » qui perdurerait pendant au moins cinq ans, plus vraisemblablement une décennie.

Turchin a recueilli et analysé des données historiques sur l’évolution des sociétés humaines sur une période de plus de 10 000 ans. Le chercheur pense avoir extrait de cette grande masse d’informations des lois qui déterminent l’évolution des sociétés humaines.

Par exemple, pour expliquer le cycle paix-violence que Turchin a mis en évidence et qui se répète, à tout le moins dans la société américaine, à des intervalles de 50 ans, (2020 correspondrait à un début de cycle), le chercheur met de l’avant l’hypothèse des anti-élites.

Les anti-élites, vous connaissez ?

Les élites auraient malheureusement tendance à surproduire. Elles se développent à un rythme qui excède de loin les postes que ses membres souhaitent occuper. Aux États-unis, le maintien de la classe dirigeante se fait par l’entremise d’une mobilité ascendante, de natures académique et économique. De plus en plus de gens s’enrichissent et s’éduquent. Rien de mal à cela. Les problèmes surgissent lorsque l’argent et un diplôme de la prestigieuse université Harvard, par exemple, ne suffisent plus. De plus en plus de gens disposent de ressources financières et ont les diplômes requis pour occuper des postes de pouvoir, mais ces postes se font de plus en plus rares.

Ceux qui sont privés de pouvoir en veulent alors à ceux qui sont en poste. Comme le souligne Turchin, au sénat américain, par exemple, il n’y a que 100 sièges disponibles. Pas un de plus, alors que les postes de sénateurs sont convoités plus que jamais. De plus en plus, les élites se battent entre elles et certains de ses membres, de guerre lasse, finissent par constituer une anti-élite

Une surproduction d’élites finit par produire des anti-élites.

Et ces anti-élites cherchent au sein de la population des alliés. Une partie de la population les appuie, celle qui est de plus en plus désabusée face à la diminution du pouvoir d’achat, à un ascenseur social en panne et aux contraintes matérielles et administratives de plus en plus grandes auxquelles elle doit faire face.

La situation dans laquelle se trouve l’état a pour effet d’amplifier la crise. Les états, en effet, sont de plus en plus insolvables. Or, pallier aux problèmes d’insécurité sociale ou économique coûte cher. Les efforts de pacification de la part de l’état vident ses coffres. Et à la longue, faute de moyens, l’état recourt à la force ou à des dispositifs répressifs.

À ce stade, toujours selon Turchin, c’est ce qui est à l’origine de bouleversements sociaux graves :

- Une élite surdimensionnée.

- Un nombre de plus en plus restreint de postes de pouvoir.

- Une qualité de vie en chute libre.

- Un gouvernement dans une situation financière impossible.

Turchin, poursuit ses efforts pour tenter l’improbable, voire l’impossible : faire entrer par la grande porte les mathématiques dans une des rares disciplines qui jusqu’ici avait échappé à sa sphère d’influence : l’histoire.

Les historiens ne sont pas d’accord !

Les historiens rétorquent qu’il est tout simplement impossible d’introduire des paramètres idéologiques ou des facteurs qui relèvent du calcul stratégique, par nature, très difficile à prévoir dans un modèle mathématique. Comment un mathématicien est-il en mesure d’incorporer dans ses équations les décisions d’un Donald Trump ou d’un Xi Jinping ?

Et vous, qu’en pensez-vous ?

Pourtant, il faut bien se rendre à l’évidence. Devons-nous nous fier aux historiens qui nous répètent que nous avons beaucoup à apprendre des leçons de l’histoire ? Ou nous en remettre à des modèles mathématiques dont les leçons paraphrasent ce qui se trouvent dans les manuels ? Dans un cas comme dans l’autre, la conclusion est la même. Dans l’histoire de l’humanité des cycles sont à l’oeuvre et il semble très difficile de nous en soustraire.

Devant les défis qu’affrontent actuellement la planète — pandémie, réchauffement climatique, perturbations politiques et économiques de toutes sortes — nos sociétés, comme se plaît à le répéter Turchin, se trouvent dans la même situation que le Titanic. Au gouvernail, les officiers discutent, et ils ne s’entendent pas sur la manœuvre qui parviendrait à infléchir la course du navire, alors que l’iceberg est depuis longtemps en vue.

Voici maintenant le jeu proposé !

Il y a plusieurs façons de percevoir la réalité.

  1. On peut hausser les épaules et se dire… à quoi bon, il est déjà trop tard pour agir.

  2. On peut ne pas décolérer. Crier haut et fort que tout va de plus en plus mal., mêlant notre voix au vent de panique collective.

  3. On peut se voiler la face et se dire que ces problèmes sont des inventions de scientifiques tordus qui veulent attirer l’attention… qu’il est faux de croire que la situation est alarmante et que tout finira par s’arranger.

    Que fait une personne créative face à un événement catastrophique ?

    Vous savez à quels moments dans l’histoire il y a eu le plus d’innovations ? En temps de guerre ! Eh oui… c’est triste à dire, mais c’est ainsi. Ce qui signifie que lorsque nous sommes acculés au pied du mur, notre nature nous porte à rebondir et à être encore plus créatifs qu’à l’habitude pour trouver des solutions.

    Mon défi pour vous

    Si vous aviez à imaginer des scénarios qui éviterait le naufrage en lien avec vos activités… des scénarios que vous pourriez contribuer à co-construire…. quels seraient ces scénarios ?

    Soyez fous et imaginatifs…. partagez vos idées, on ne sait jamais… on fera peut-être partie de ceux et celles à qui on disait que c’était impossible, mais qui l’ont fait.

Référence :
Wood, Greame. The Next Decade Could Be Even Worse. The Atlantic, December 2020 issue.

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