L’écran vous regarde penser. Mais il vous empêche de créer.

Nos écrans ne volent pas seulement notre attention. Ils grignotent aussi notre imagination. Dans cet article, nous explorons un phénomène souvent sous-estimé : l’errance mentale. Ce moment où l’on ne fait rien, où l’on rêve les yeux ouverts… est en réalité le socle invisible de notre créativité. À l’heure où chaque seconde d’ennui est remplie par une notification, il devient urgent de redonner de la place au vide. Car c’est là, dans ces espaces silencieux, que notre cerveau invente le futur.

Jeune femme fatiguée posant sa tête sur sa main devant un ordinateur portable dans un bureau moderne.

L’écran vous regarde penser. Mais il vous empêche de créer par Sylvie Gendreau, le blog Être en Forme de la Nouvelle École de Créativité -Création visuelle : Pierre Guité et mid-Journey - Jeune femme assise devant son ordinateur, visiblement épuisée, incarne les effets cognitifs de la surcharge numérique quotidienne.

Et si l’ennui était notre meilleur allié pour innover ?

Nous parlons souvent de performance, de résilience, de veille stratégique. Mais dans ce monde de sur-stimulation, avons-nous oublié une chose essentielle : laisser notre esprit respirer ? Dans cet article, je vous invite à explorer une piste trop souvent négligée dans les cercles de dirigeants et de créateurs : l’importance du vagabondage mental. Ce phénomène, loin d’être inutile, est le terreau de notre créativité profonde.

Une société ultra-connectée, un esprit enchaîné

Nos esprits sont aujourd’hui littéralement attachés à des écrans. Nous scrollons, cliquons, actualisons sans cesse. Chaque instant libre devient une occasion de consommer un contenu, de répondre à une notification, de vérifier une application.

Mais à quel prix ? Bien au-delà de la fatigue oculaire ou du manque de sommeil, cette stimulation permanente pourrait nous coûter quelque chose de bien plus précieux : notre créativité.

Le pouvoir caché de l’errance mentale

Les recherches récentes montrent que notre cerveau a besoin de moments de pause et de rêverie pour fonctionner de manière créative. C’est dans ces instants de flottement mental, lorsque nous ne faisons “rien”, que s’active un réseau cérébral fascinant : le Default Mode Network (ou réseau en mode par défaut).

DMN : le moteur invisible de l’imagination

Le Default Mode Network est un ensemble de régions du cerveau qui s’active lorsque nous ne sommes pas concentrés sur une tâche : en marchant, en regardant par la fenêtre, en rêvassant. Ce réseau inclut notamment le cortex préfrontal médian et le cortex cingulaire postérieur.

Loin d’être un signe de distraction, cette activité est au cœur même de notre capacité à imaginer, relier, inventer.

Créativité = vagabondage + structuration

La créativité repose sur deux mouvements :

  • Le penser divergent (faire émerger plein d’idées nouvelles)

  • Le penser convergent (choisir, affiner, structurer)

Or, le DMN est impliqué dans ces deux processus. Des études récentes montrent qu’interrompre le fonctionnement du DMN (par exemple avec une stimulation cérébrale non invasive) entraîne une baisse notable de la créativité (Brain, 2024).

Encore plus fascinant : notre créativité naît de la collaboration dynamique entre le DMN, le réseau exécutif de contrôle, et le réseau de saillance. Ensemble, ils permettent au cerveau de jongler entre intuition libre et analyse structurée.

Nos écrans sabotent-ils notre capacité à rêver ?

Le problème ?

La surexposition aux écrans nous maintient dans un état de stimulation constante, qui empêche le DMN de s’activer pleinement. Chaque notification, chaque vidéo ou scroll compulsif nous garde en état de “réaction”, empêchant l’incubation silencieuse nécessaire aux idées neuves.

Des micro-interruptions répétées brisent le flux mental profond dont la créativité a besoin pour s’épanouir.

Et si l’ennui était un superpouvoir ?

L’ennui a mauvaise réputation. On le fuit. Et pourtant, il est un mécanisme fondamental d’adaptation. Quand l’extérieur se tait, notre monde intérieur se met en mouvement. C’est dans cet espace flottant que le cerveau relie des souvenirs, idées et sensations disparates — et que naissent les fameuses intuitions soudaines.

Les phases d’incubation sont essentielles au processus créatif. C’est pourquoi une promenade en silence, un moment d’ennui, ou une rêverie sans but peuvent devenir des déclencheurs puissants de solutions nouvelles.

Retour à la nature, aux courbes, au calme

Femme mature aux yeux fermés en position de méditation, assise dans une chambre calme, pendant qu’un homme lit en arrière-plan.

L’écran vous regarde penser. Mais il vous empêche de créer par Sylvie Gendreau, le blog Être en Forme de la Nouvelle École de Créativité -Création visuelle : Pierre Guité et mid-Journey - Une femme médite paisiblement dans une chambre tamisée, illustrant le retour au calme mental et à la créativité intérieure.

L’architecture, la lumière, la présence de nature jouent un rôle clé. Des études démontrent que les environnements relaxants — avec des formes courbes, des sons naturels, des matériaux organiques — favorisent l’activation du DMN.

À l’inverse, nos open-spaces rectilignes, nos écrans omniprésents et nos intérieurs surchargés inhibent cette créativité silencieuse.

Six clés pour libérer votre esprit créatif

Voici quelques pistes concrètes pour reprendre contact avec votre esprit créatif profond :

  1. Planifiez du temps non structuré
    Prenez une pause sans téléphone. Marchez sans but. Laissez votre regard se perdre dans le ciel ou les feuillages. Ce sont des moments fertiles, pas perdus.

  2. Faites la paix avec l’ennui
    Cessez de le combler systématiquement. Il prépare la voie aux idées les plus inattendues.

  3. Pratiquez l’errance mentale consciente
    Certaines formes de méditation (comme la pleine conscience ouverte) vous entraînent à observer vos pensées sans jugement, à favoriser l’émergence libre d’associations.

  4. Limitez la surexposition aux écrans
    Désactivez les notifications. Évitez de sortir votre téléphone dès que vous attendez. Offrez à votre esprit des plages de silence.

  5. Créez des environnements ressourçants
    Entourez-vous de formes douces, de textures naturelles, de lumière du jour. La beauté calme est un catalyseur d’inspiration.

  6. Laissez votre esprit incuber consciemment
    Posez-vous une question… puis laissez-la mijoter pendant une promenade ou une sieste. Les réponses surgissent souvent dans les temps morts.

Faire place à l’invisible

Nous vivons dans un monde qui valorise le visible, le mesurable, le productif. Mais la créativité, elle, exige autre chose : de la lenteur, du silence, de la latence. Le réseau par défaut de notre cerveau travaille dans l’ombre — à condition qu’on lui en laisse l’espace.

Et si la véritable audace, aujourd’hui, était de ne rien faire pendant un certain temps ? De laisser notre esprit vagabonder. Non pas pour fuir le réel — mais pour mieux l’inventer.


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Références :

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Baird, B., Smallwood, J., Mrazek, M. D., Kam, J. W. Y., Franklin, M. S., & Schooler, J. W. (2012). Inspired by Distraction: Mind Wandering Facilitates Creative Incubation. Psychological Science, 23(10), 1117-1122.

Berman, M. G., Jonides, J., & Kaplan, S. (2008). The Cognitive Benefits of Interacting with Nature. Psychological Science, 19(12), 1207-1212.

Brain (2024). The Role of the Default Mode Network in Divergent Thinking: Insights from Non-Invasive Brain Stimulation. Brain, 147(10), 3263-3274.

Eastwood, J. D., Frischen, A., Fenske, M. J., & Smilek, D. (2012). The Unengaged Mind: Defining Boredom in Terms of Attention. Perspectives on Psychological Science, 7(5), 482-495.

Sio, U. N., & Ormerod, T. C. (2009). Does Incubation Enhance Problem Solving? A Meta-Analytic Review. Psychological Bulletin, 135(1), 94-120.

Van den Berg, A. E., Joye, Y., & Koole, S. L. (2016). Why Viewing Nature Is More Fascinating and Restorative than Viewing Buildings: A Closer Look at Perceived Complexity. Urban Forestry & Urban Greening, 20, 397-401.

Zeidan, F., Johnson, S. K., Diamond, B. J., David, Z., & Goolkasian, P. (2010). Mindfulness Meditation Improves Cognition: Evidence of Brief Mental Training. Consciousness and Cognition, 19(2), 597-605.


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